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craindre que son mari n’eût l’intention de se débarrasser d’elle, elle paraissait en proie à des angoisses terribles ; lorsqu’il s’arrêtait, elle prêtait l’oreille avec cette anxiété profonde du guerrier indien qui, au milieu de ses forêts, écoute le pas de l’ennemi qui s’avance ; mais, soit que Pierre Manas manœuvrât avec une habileté extraordinaire, soit qu’à cette heure de nuit les passants fussent rares dans les rues, elle eut beau écouter : elle n’entendit que le bruit de ses propres pas et de ceux de son conducteur qui retentissaient sur la dalle sonore.

Bientôt ils escaladèrent une pente rapide et escarpée, le long de laquelle les cailloux roulaient sous leurs pieds, tandis que le bruit sourd et monotone de la mer se brisant contre les rochers commençait d’éveiller l’attention de Millette et de lui indiquer le chemin qu’elle faisait. Elle se rendait bien à Montredon.

On continua de marcher. Tout à coup, au moment où l’air frais de la mer et le bruissement des vagues lui apprenaient que l’on était arrivé au rivage, elle sentit que son mari l’enlevait entre ses bras, entrait dans l’eau tout en lui enjoignant de ne pas toucher au bandeau qui lui cachait les yeux, faisait quelques pas devant lui malgré la résistance des lames, s’accrochait à un bateau qui se balançait doucement à son amarre, y déposait son fardeau, grimpait à son