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prétendit un jour que l’ouvrage devait être mieux rétribué à Marseille qu’à Arles, et proposa à sa femme d’aller s’y fixer. Ce déplacement coûtait beaucoup à Millette : elle aimait le pays où elle était née, où elle laissait tous les siens. De loin, la grande ville lui faisait peur, comme un vampire qui devait la dévorer ; mais ses larmes affligeaient sa vieille mère ; elle pensa qu’à distance il lui serait plus facile de les lui cacher, de lui persuader qu’elle était heureuse, et Millette acquiesça à la proposition de son mari.

Comme bien on le suppose, ce n’était pas l’espoir de trouver un travail plus lucratif qui attirait celui-ci à Marseille : il venait y chercher un théâtre plus large pour sa vie dissolue : il voulait échapper aux reproches que ses parents lui adressaient sur sa conduite.

Millette et son mari étaient à Marseille depuis quinze jours, que Pierre Manas n’avait pas encore délié le sac de toile qui contenait ses outils ; en revanche, il avait fait connaissance avec tous les cabarets qui peuplent les rues du vieux port, et il en était revenu avec force meurtrissures, qui attestaient la vigueur des poings de ceux qui les lui avaient distribuées.

Nous ne referons pas cette lugubre histoire, que chacun connaît, de la pauvre fille du peuple liée par la destinée à un mauvais sujet et qui n’a, elle, ni les distractions du monde, ni les compensations de l’ai-