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ne l’eût plongée dans cet engourdissement où nous l’avons vue. Longtemps elle demeura assise sur la pierre, inerte et froide comme elle. Lorsqu’elle faisait un effort pour fixer sa pensée, lorsqu’elle cherchait à se rappeler les circonstances de cette horrible soirée, elle se croyait en proie à un accablant cauchemar, et, cependant, il lui restait assez le sentiment de la conservation pour qu’elle redoutât le réveil.

Elle pensait à Marius et rien qu’à Marius ; mais, par un contraste étrange, c’était l’enfant insouciant et joyeux, et non l’accusé d’un meurtre qui passait et repassait devant elle dans ces hallucinations. Parfois, il est vrai, et comme si son esprit eût eu honte de cette douloureuse inquiétude, comme s’il eût jugé que ce n’était pas encore un martyre assez cruel pour sa foi maternelle, elle éprouvait une violente contraction nerveuse ; un chaos de poignards, de fers, d’échafauds, s’offrait à ses yeux au milieu d’un nuage d’un rouge de sang. Toutes les fibres de son cerveau se tordaient et vibraient à la fois : il lui semblait que son crâne éclaterait du moment que les larmes enfin pourraient jaillir de ses paupières, mais ses paupières restaient sèches et brûlantes. Sa faculté de se souvenir s’éteignait de nouveau, et elle retombait dans son atonie. Cette atonie était si profonde, que, sans changer de place et de situation, elle s’endormit.