Page:Dumas - Le Fils du forçat.djvu/244

Cette page n’a pas encore été corrigée

cette lettre, l’honneur d’une jeune fille qui, en face de la sincérité de ses aveux, serait inutilement compromise ; mais, le magistrat ayant déclaré que la lettre devait figurer à l’instruction, Marius rentra dans son mutisme et ne répondit plus à aucune des interrogations qu’on lui fit. Une confrontation pouvait tout éclaircir, mais l’état du blessé était si grave, que le chirurgien déclara qu’il n’y fallait pas songer en ce moment ; en conséquence, le magistrat ordonna de transporter Marius dans la prison de la ville.

On avait entouré Millette pour l’empêcher d’assister au départ de son malheureux fils.

Peu à peu, tous les étrangers se retirèrent. M. Coumbes, qui épiait le départ de chacun d’eux, suivit le dernier pour fermer soigneusement la porte de la rue, puis il rentra dans le cabanon. Il trouva la pauvre mère immobile à la place où il l’avait laissée ; elle était assise sur le carreau, les genoux rapprochés de sa poitrine, les mains appuyées sur ses genoux, le menton reposant sur ses mains, les yeux fixes et hagards. Quelque épaisse que fût la croûte dont l’égoïsme avait entouré le cœur de l’ex-portefaix, cette douleur muette paraissait en avoir raison. Ce cœur, jusque-là insensible, semblait pour la première fois se contracter en face de souffrances que n’étaient pas les siennes, et ses yeux, légèrement humectés