Page:Dumas - Le Fils du forçat.djvu/201

Cette page n’a pas encore été corrigée

tendu la main qu’elle l’avait été dans l’union que Dieu et les hommes avaient consacrée. Par suite, elle en était arrivée à douter de l’irrégularité de sa position. Elle ne l’avait reconnue que dans ces derniers temps, alors que la loi, ne pouvant pas admettre, pour Marius, les bénéfices de cette union illicite, et se refusant à voir en lui un autre que le fils de Pierre Manas, lui en avait clairement démontré les inconvénients.

Mais, si sa raison avait cédé à l’évidence, il n’en était pas de même de son cœur.

Millette n’avait jamais eu pour M. Coumbes ce que l’on appelle de l’amour. Le sentiment qu’elle ressentait pour lui ne peut se définir qu’en le nommant attachement, sentiment vague, aux causes souvent peu appréciables et toujours diverses, mais sentiment infiniment plus puissant que le premier, parce que, comme lui, il n’est point sujet à ces tempêtes qui laissent des nuages dans les plus beaux horizons, et parce que le temps, l’âge, l’habitude l’augmentent et le font croître à l’inverse de l’autre.

Après vingt ans de cohabitation, malgré les singulières façons que M. Coumbes apportait dans ses tendresses, son égoïsme, sa sotte fierté, ses dédains, ses boutades et son avarice, l’affection de Millette pour lui venait dans son âme immédiatement après celle qu’elle portait à son fils.