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manqua à la jeune fille ; elle resta suspendue au milieu de la crevasse qui les séparait et dans laquelle elle fût tombée si la main du pauvre jeune homme ne l’eût retenue. Marius sentit ses cheveux qui se dressaient sur sa tête et la respiration qui manquait à sa poitrine ; il l’enleva à bout de poignet avec une force musculaire centuplée par la terreur qu’il venait d’éprouver ; il la prit dans ses bras et il se mit à gravir les falaises, à grimper les collines, à franchir les ravins avec une ardeur indicible, une rapidité vertigineuse ; il l’emportait comme un loup sa proie arrachée à la bergerie ; comme une mère son enfant échappé du naufrage.

Madeleine ne songeait pas aux dangers que cette course folle leur créait à tous deux ; elle souriait en voyant celui qu’elle aimait, si hardi et si puissant tout à la fois.

Le succès de son audacieuse escalade calma un peu l’effervescence fiévreuse que la crainte avait inspirée au jeune homme.

Il commença à sentir un cœur palpiter à deux doigts de sa poitrine, et, ce cœur, c’était celui de Madeleine.

Les cheveux de la jeune fille, dénoués à moitié par la rapidité de leur ascension, caressèrent le visage du fils de Millette et l’enivrèrent de leurs effluves.