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M. Coumbes tint commercialement ses engagements. Cette large brèche pratiquée dans ses salaires quotidiens ne l’empêcha pas de faire de notables économies. Il avait pour cela un procédé des plus simples : il prélevait sur sa nourriture le tiers à donner au cousin. S’il n’engraissa pas à ce régime, son magot ne s’en arrondit que mieux et bientôt il fut assez dodu pour permettre à Coumbes d’acheter une des maîtrises de sa corporation. Il est vrai qu’elles n’avaient pas atteint alors les prix auxquels elles sont arrivées aujourd’hui.

Mais, si la maîtrise coûta peu à M. Coumbes, elle lui produisit gros. À partir des expéditions de Morée, de la paix de Navarin et de la prise d’Alger, le large bénéfice que les maîtres portefaix réalisèrent avec l’administration militaire achevèrent de compléter une certaine somme que, dès sa plus tendre jeunesse, M. Coumbes avait fixée comme but de son ambition.

La somme réalisée, il se retira.

L’appât du gain, qui était alors dans sa période ascendante, ne put le déterminer à rester maître portefaix un jour de plus. Il avait une passion, une passion que vingt années de jouissance n’avaient pu attiédir ; c’était cette passion qui le rendait si fort contre l’avidité qui devait nécessairement résulter de ses habitudes de parcimonie.