Page:Dumas - Le Fils du forçat.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pendant que Marius parlait ainsi, le mendiant avait plongé sa main dans le bissac et en avait tiré une gourde ; il en aspira à longs traits le contenu : la chaleur de l’alcool lui rendit toute son audace ; il fit un effort suprême, se trouva debout et se précipita sur celui qui l’avait si généreusement secouru.

Madeleine poussa un cri que répétèrent les échos des collines.

Mais le mendiant n’avait point surpris le jeune homme ; celui-ci, par un mouvement rapide comme la pensée, s’était brusquement rejeté en arrière, et, prenant un large couteau dans sa poche, il en menaça la poitrine de l’assaillant.

Ce dernier vit luire dans l’ombre trois éclairs : celui que jetait la lame, et ceux qui partaient des yeux du jeune homme ; il comprit sur-le-champ qu’il avait affaire à un adversaire vaillant et déterminé, et, changeant avec une facilité merveilleuse l’expression menaçante de sa physionomie, il fit rentrer dans sa manche un poignard qu’il tenait entre le pouce et l’index, puis il éclata de rire.

– Ah ! ah ! ah ! dit-il, quand je vous disais que l’eau-de-vie serait pour moi un remède merveilleux !  ! Je n’en ai bu que quelques gouttes, et me voilà déjà en état de vous faire peur… Allons, rempochez votre outil à détacher les moules, mon garçon ; vous ne voudriez pas vous en servir contre un pauvre diable