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qu’ils emploient et qu’ils payent proportionnellement. Le mouvement commercial est considérable : les patrons peuvent réaliser un bénéfice d’une quinzaine de mille francs par an. Après une vingtaine d’années d’exercice, ils se retirent, non pas riches mais dotés d’une honnête aisance.

M. Coumbes n’avait été ni plus ni moins favorisé que la plupart de ses confrères. Fils de paysans, il était venu à Marseille en sabots. Un sien parent, simple soldat dans cette grande milice du port, proposa sa place, qu’une infirmité précoce l’empêchait de remplir convenablement.

Ces places d’ouvriers portefaix se lèguent ou s’achètent, absolument comme les charges de notaire ou d’agent de change.

M. Coumbes eût volontiers acheté une charge, mais il n’avait pas une obole.

Le parent tourna la difficulté ; l’argent n’était rien pour lui ; il ne voyait en cette affaire que la félicité future de son cousin qu’il allait assurer ; il se contentait du tiers du produit des journées du jeune homme pendant cinq ans.

M. Coumbes eût voulu marchander, mais le cessionnaire noya ses protestations dans un déluge de paroles d’une tendresse qui ne laissait pas à son interlocuteur la possibilité d’insinuer la moindre réclamation ; il dit oui.