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et de nom à ses yeux. La prière de ce pauvre garçon, qui demandait à Dieu de lui donner assez de force pour résister à un amour qui pouvait le faire dévier de la voie de probité stricte, de labeur résigné qu’il entendait suivre, cessa de lui paraître ridicule et lui sembla touchante ; elle y vit l’indice d’un caractère élevé, d’une âme honnête.

À la suite de ces qualités morales, elle se rappela des avantages physiques demeurés jusqu’alors dans les limbes de sa mémoire, mais qu’elle était trop femme pour n’avoir point remarqués ; elle se souvint, avec un battement de cœur qu’elle n’était plus la maîtresse de comprimer, que Marius était beau, de cette beauté sévère des hommes du Midi qui, dans l’adolescence, ressemble déjà à la maturité ; elle évoqua dans sa rêverie le fantôme du jeune homme ; elle revit ce regard ferme et résolu lorsqu’il parlait de M. Coumbes, tendre et humble lorsque Madeleine lui racontait les afflictions qui avaient déjà marqué sa vie, sa lèvre dédaigneuse lorsqu’elle hasardait quelque allusion aux dangers qu’il allait affronter.

Pendant quelques jours, ces pensées se représentèrent à l’esprit de la jeune fille, lorsqu’elle s’aperçut que c’était vainement qu’elle cherchait à triompher de leur opiniâtreté ; elle envisagea la situation beaucoup plus froidement, beaucoup plus résolument que Marius ne l’avait fait.