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de chevaux, de voitures qui, malgré l’heure matinale, se faisait autour de lui.

Quelque ferme que fût sa volonté, le souvenir de Madeleine en triomphait encore ; c’était en vain qu’il essayait de le chasser, ce souvenir se retrouvait sans cesse à ses côtés. Marius ne pouvait rien regarder, rien admirer, rien désirer sans qu’elle eût sa part de ses pensées : s’il songeait au printemps en considérant les grands platanes, c’était pour se dire qu’il serait bien doux de se promener à leur ombre avec la jeune fille lorsqu’ils auraient revêtu leur parure d’été ; si la mer bleue lui semblait belle, il se disait qu’il serait doux de glisser sur ses flots en tête-à-tête avec celle qu’il aimait, et là, dans cet isolement sublime, dans cette immensité qui vous rapproche de Dieu, de l’entendre répéter un serment d’amour ! Il n’était pas jusqu’à Millette qui ne fût devenue un prétexte pour lui rappeler Madeleine. Il pensait à la joie, à l’orgueil de sa mère, lorsqu’il lui présenterait une bru si accomplie, aux jours heureux qu’une telle alliance réservait à la vieillesse de celle-là.

Marius fut épouvanté de ce qui lui semblait une condamnable faiblesse, son trouble devint grand. Il se raidit dans la lutte qu’il soutenait contre lui-même, mais inutilement ; il parvenait bien à chasser de son cerveau la dangereuse et charmante figure de Mlle Riouffe, à éteindre la pensée qui ramenait avec