Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/57

Cette page a été validée par deux contributeurs.

lit, elle acheva de vider dans le verre de Valentine le contenu de sa fiole.

Puis elle se retira, sans que le moindre bruit avertît Valentine qu’elle était partie.

Elle avait vu disparaître le bras, voilà tout : ce bras frais et arrondi d’une femme de vingt-cinq ans, jeune et belle, et qui versait la mort.

Il est impossible d’exprimer ce que Valentine avait éprouvé pendant cette minute et demie que madame de Villefort était restée dans sa chambre.

Le grattement de l’ongle contre la bibliothèque tira la jeune fille de cet état de torpeur dans lequel elle était ensevelie, et qui ressemblait à de l’engourdissement.

Elle souleva la tête avec effort.

La porte, toujours silencieuse, roula une seconde fois sur ses gonds, et le comte de Monte-Cristo reparut.

— Eh bien ! demanda le comte, doutez-vous encore ?

— Ô mon Dieu ! murmura la jeune fille.

— Vous avez vu ?

— Hélas !

— Vous avez reconnu ?

Valentine poussa un gémissement.

— Oui, dit-elle, mais je n’y puis croire.

— Vous aimez mieux mourir alors, et faire mourir Maximilien !…

— Mon Dieu, mon Dieu ! répéta la jeune fille presque égarée ; mais ne puis-je donc pas quitter la maison, me sauver ?…

— Valentine, la main qui vous poursuit vous atteindra partout : à force d’or, on séduira vos domestiques, et la mort s’offrira à vous, déguisée sous tous les aspects, dans l’eau que vous boirez à la source, dans le fruit que vous cueillerez à l’arbre.