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IV

LOCUSTE.

Valentine resta seule ; deux autres pendules, en retard sur celle de Saint-Philippe-du-Roule, sonnèrent encore minuit à des distances différentes.

Puis, à part le bruissement de quelques voitures lointaines, tout retomba dans le silence.

Alors toute l’attention de Valentine se concentra sur la pendule de sa chambre, dont le balancier marquait les secondes.

Elle se mit à compter ces secondes et remarqua qu’elles étaient du double plus lentes que les battements de son cœur. Et cependant elle doutait encore ; l’inoffensive Valentine ne pouvait se figurer que quelqu’un désirât sa mort ; pourquoi ? dans quel but ? quel mal avait-elle fait qui pût lui susciter un ennemi ?

Il n’y avait pas de crainte qu’elle s’endormît.

Une seule idée, une idée terrible tenait son esprit tendu : c’est qu’il existait une personne au monde qui avait tenté de l’assassiner et qui allait le tenter encore.

Si cette fois cette personne, lassée de voir l’inefficacité du poison, allait, comme l’avait dit Monte-Cristo, avoir recours au fer ! si le comte n’allait pas avoir le temps d’accourir ! si elle touchait à son dernier moment ! si elle ne devait plus revoir Morrel !

À cette pensée qui la couvrait à la fois d’une pâleur livide et d’une sueur glacée, Valentine était prête à saisir le cordon de sa sonnette et à appeler au secours.