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qu’il comptait faire faire avec ses cent soixante-quinze mille livres de rente au fashion parisien.

La foule générale roulait dans ces salons comme un flux et un reflux de turquoises, de rubis, d’émeraudes, d’opales et de diamants.

Comme partout, on remarquait que c’étaient les plus vieilles femmes qui étaient les plus parées, et les plus laides qui se montraient avec le plus d’obstination.

S’il y avait quelque beau lis blanc, quelque rose suave et parfumée, il fallait la chercher et la découvrir, cachée dans quelque coin par une mère à turban, ou par une tante à oiseau de paradis.

À chaque instant, au milieu de cette cohue, de ce bourdonnement, de ces rires, la voix des huissiers lançait un nom connu dans les finances, respecté dans l’armée ou illustre dans les lettres ; alors un faible mouvement des groupes accueillait ce nom.

Mais pour un qui avait le privilège de faire frémir cet océan de vagues humaines, combien passaient accueillis par l’indifférence ou le ricanement du dédain.

Au moment où l’aiguille de la pendule massive, de la pendule représentant Endymion endormi, marquait neuf heures sur un cadran d’or, et où le timbre, fidèle reproducteur de la pensée machinale, retentissait neuf fois, le nom du comte de Monte-Cristo retentit à son tour, et, comme poussée par la flamme électrique, toute l’assemblée se tourna vers la porte.

Le comte était vêtu de noir et avec sa simplicité habituelle ; son gilet blanc dessinait sa vaste et noble poitrine ; son col noir paraissait d’une fraîcheur singulière, tant il ressortait sur la mâle pâleur de son teint ; pour tout bijou, il portait une chaîne de gilet si fine qu’à peine le mince filet d’or tranchait sur le piqué blanc.