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de manière à ce que tu expirasses sur le coup… Dieu t’a donné un quart d’heure pour te repentir… Rentre donc en toi-même, malheureux, et repens-toi !

— Non, dit Caderousse, non, je ne me repens pas ; il n’y a pas de Dieu, il n’y a pas de Providence, il n’y a que du hasard.

— Il y a une Providence, il y a un Dieu, dit Monte-Cristo, et la preuve, c’est que tu es là gisant, désespéré, reniant Dieu, et que moi, je suis debout devant toi, riche, heureux, sain et sauf, et joignant les mains devant ce Dieu auquel tu essayes de ne pas croire, et auquel cependant tu crois au fond du cœur.

— Mais qui donc êtes-vous, alors ? demanda Caderousse en fixant ses yeux mourants sur le comte.

— Regarde-moi bien, dit Monte-Cristo en prenant la bougie et l’approchant de son visage.

— Eh bien ! l’abbé… l’abbé Busoni…

Monte-Cristo enleva la perruque qui le défigurait, et laissa retomber les beaux cheveux noirs qui encadraient si harmonieusement son pâle visage.

— Oh ! dit Caderousse épouvanté, si ce n’étaient ces cheveux noirs, je dirais que vous êtes l’Anglais, je dirais que vous êtes lord Wilmore.

— Je ne suis ni l’abbé Busoni ni lord Wilmore, dit Monte-Cristo ; regarde mieux, regarde plus loin, regarde dans tes premiers souvenirs.

Il y avait dans cette parole du comte une vibration magnétique dont les sens épuisés du misérable furent ravivés une dernière fois.

— Oh ! en effet, dit-il, il me semble que je vous ai vu, que je vous ai connu autrefois.

— Oui, Caderousse, oui, tu m’as vu, oui, tu m’as connu.