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sophe n’attend ni peine ni récompense après cette vie, il doive trouver un attrait présent qui le porte à vous tuer ou à vous tromper ? N’est-il pas, au contraire, plus disposé, par ses réfléxions, à trouver plus d’attrait et de plaisir à vivre avec vous, à s’attirer votre confiance et votre estime, à s’acquitter des devoirs de l’amitié et de la reconnoissance ? Ces sentimens ne sont-ils pas dans le fond de l’homme, indépendamment de toute croyance sur l’avenir ? Encore un coup, l’idée de mal-honnête homme est autant opposée à l’idée de philosophe, que l’est l’idée de stupide ; et l’expérience fait voir tous les jours que plus on a de raison et de lumière, plus on est sûr et propre pour le commerce de la vie. ( [1] Un sot n’a pas assez d’étoffe pour être bon.) on ne pèche que parce que les lumières sont moins faibles que les passions ; et c’est une maxime de théologie, vraie en un certain sens, que tout pécheur est ignorant [2].

Cet amour de la société, si essentiel au philosophe, fait voir combien est véritable la remarque de l’empereur Antonin : « Que les peuples seront heureux quand les rois seront philosophes, ou quand les philosophes seront rois. »

Le superstitieux élevé aux grands emplois se regarde trop comme étranger sur la terre pour s’intéresser véritablement aux autres hommes. Le mépris des grandeurs et des richesses, et les autres principes de la religion, malgré les interprétations qu’on a été obligé

  1. La Rochefoucault.
  2. Omnis peccans est ignorans.