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quilles du philosophe peuvent bien le porter à la volupté, mais non pas au crime ; sa raison cultivée le guide, et ne le conduit jamais au désordre.

La superstition ne fait sentir que foiblement combien il importe aux hommes, par rapport à leur intérêt présent, de suivre les lois de la société ; elle condamne même ceux qui ne les suivent que par ce motif, qu’elle apelle avec mépris motif humain : le chimérique est pour elle bien plus parfait que le naturel ; ainsi ses exhortations n’opèrent que comme doit opérer une chimère ; elles troublent, elles épouvantent ; mais, quand la vivacité des images qu’elles ont produites est ralentie, que le feu passager de l’imagination est éteint, l’homme demeure sans lumière, abandonné aux foiblesses de son tempérament.

Notre sage, qui, en n’espérant ni ne craignant rien après la mort, semble prendre un motif de plus d’être honnête homme pendant la vie, y gagne de la consistance, pour ainsi dire, et de la vivacité dans le motif qui le fait agir ; motif d’autant plus fort, qu’il est purement humain et naturel. Ce motif est la propre satisfaction qu’il trouve à être content de lui-même, en suivant les règles de la probité ; motif que le superstitieux n’a qu’imparfaitement : car tout ce qu’il y a de bien en lui, il doit l’attribuer à la grâce. A ce motif, se rapporte encore un autre motif bien puissant ; c’est le propre intérêt du sage, et un intérêt présent et réel.

Séparez, pour un moment, le philosophe de l’honnête homme : que lui reste-t-il ? la société