Page:Dumarsais - Œuvres, t6, 1797.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et du mal ; il suffit, sur ce point, qu’on croie être coupable pour l’être.

Le combat éternel où l’homme succombe si souvent avec connoissance, forme en lui une habitude d’immoler la vertu au vice ; il se familiarise à suivre son penchant, et à faire des fautes, dans l’espérance de se relever par le repentir : quand on est si souvent infidelle à Dieu, on se dispose insensiblement à l’être aux hommes.

D’ailleurs, le présent a toujours eu plus de force sur l’esprit de l’homme que l’avenir. La religion ne retient les hommes que par un avenir que l’amour-propre fait toujours regarder dans un point de vue fort éloigné. Le superstitieux se flatte sans cesse d’avoir le temps de réparer ses fautes, d’éviter les peines, et de mériter les récompenses : aussi l’expérience nous fait assez voir que le frein de la religion est bien foible. Malgré les fables que le peuple croit du déluge du feu du ciel tombé sur cinq villes ; malgré les vives peintures des peines et des récompenses éternelles ; malgré tant de sermons et tant de prônes, le peuple est toujours le même. La nature est plus forte que les chimères : il semble qu’elle soit jalouse de ses droits ; elle se tire souvent des chaînes où l’aveugle superstition veut follement la contenir : le seul philosophe, qui sait en jouir, la règle par sa raison.

Examinez tous ceux contre lesquels la justice humaine est obligée de se servir de son épée, vous trouverez ou des tempéramens ardens, ou des esprits peu éclairés, et toujours des superstitieux ou des ignorans. Les passions tran-