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l’esprit seul que le philosophe cultive, il porte plus loin son attention et ses soins.

L’homme n’est point un monstre qui ne doive vivre que dans les abîmes de la mer, ou dans le fond d’une forêt. Les seules nécessités de la vie lui rendent le commerce des autres nécessaire, et dans quelqu’état où il puisse se trouver, ses besoins et le bien-être l’engagent à vivre en société. Ainsi la raison exige de lui qu’il connoisse, qu’il étudie, et qu’il travaille à acquérir les qualités sociables. Il est étonnant que les hommes s’attachent si peu à tout ce qui est de pratique, et qu’ils s’échauffent si fort sur de vaines spéculations. Voyez les désordres que tant de différentes hérésies ont causés ; elles ont toujours roulé sur des points de théorie : tantôt il s’est agi du nombre des personnes de la trinité et de leur émanation ; tantôt du nombre des sacremens et de leur vertu ; tantôt de la nature et de la force de la grâce : que de guerres, que de troubles pour des chimères !

Le peuple philosophe est sujet aux mêmes visions : que de disputes frivoles dans les écoles ! que de livres sur de vaines questions ! un mot les décideroit, ou feroit voir qu’elles sont indissolubles.

Une secte, aujourd’hui fameuse, reproche aux personnes d’érudition de négliger l’étude de leur propre esprit, pour charger leur mémoire de faits et de recherches sur l’antiquité, et nous reprochons aux uns et aux autres de négliger de se rendre aimables, et de n’entrer pour rien dans la société.

Notre philosophe ne se croit pas en exil en ce monde ; il ne croit point être en pays ennemi ;