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LA LÉGENDE D’ANTONIA

Au temps des premières épreuves
L’amour m’a laissée seule et veuve ;
Moi que vous avez vue tendre la main
Et mendier mon pain,
Ô cœurs simples, pouvez-vous concevoir
Qu’à mes pieds, qu’à ces pieds ont fumé les encensoirs ?
Pour la dernière fois,
Ô mon passé défunt, salut à toi !
L’humanité
Ne m’a pas accordé
La retraite où je me voulais exalter ;
Non, pas même
Le refuge d’être moi-même,
Pas même
Le silence et la solitude,
Après une route si rude
Pas même l’asile
Et l’exil
De la nuit tranquille.
Les fatalités sur mon passage
Ont suscité celui qui a remis mon être en esclavage ;
Et je n’ai pu m’enfuir
En l’avenir
De rêver loin du monde et du désir.
Et la vie renaîtrait ?
Le jour me reprendrait ?
Je me réveillerais ?
Tout ce qui m’a trahi,