Page:Dujardin - Antonia, 1899.djvu/247

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
229
LA FIN D’ANTONIA

Et sans crainte et sans honte mon souvenir t’évoque,
Ô noble effort
De mon âme au-dessus de la chair et de la mort ;
Car j’ai voulu ma gloire
À régner dans les triomphes illusoires.
… Les fards, les fleurs
Sur mon front ont fondu leurs couleurs ;
Une beauté suprême
Est née à mon visage blême
Du flot des ors, des roses et des gemmes ;
Mes doigts étaient sertis
De pierreries ;
Les satins, les velours
Ceignaient mes pas de majestés sans recours ;
Mes yeux
Eurent la profondeur des cieux ;
Et de leurs mains soumises et amies
Les féeriques Floramyes
Tissaient en moi des alliciances infinies.
Ors, fards, fleurs, artifices,
Charmes factices,
Splendeurs triomphatrices !
Ma chevelure était blonde, mes joues pâles,
Mon sourire était fantomal,
Ma voix merveilleuse et fatale
Et mon âme royale.
Les humains
Prosternaient leurs désirs et leur orgueil devant mes mains ;