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LA FIN D’ANTONIA

Comprends !
J’ai payé de larmes de sang
Ce tribut
Que tu veux que je rende au désir éperdu.
Comprends ! si j’ai cherché la solitude,
C’est qu’au milieu des folles multitudes
J’ai suivi la route la plus rude ;
Et maintenant je n’en puis plus, je suis brisée,
Et je n’ai plus que le refuge d’être seule et délaissée,
Et je vais à travers le désert où se repose la pensée…
Mon destin, laisse qu’il s’achève,
C’est de finir dans le silence et le rêve.


Lui

Arrête ! et ne prononce pas
Cette parole ! ne dis pas
Cette parole, que ta fin,
Ô femme, c’est la solitude sans lendemain…
Sais-tu, sais-tu, sais-tu certainement
Que la loi dernière soit l’isolement ?
Femme, ta fin est proche ;
Mais ce n’est pas ce rêve où tu t’accroches ;
Ta fin, c’est quelque chose
Que tu ne conçois pas et que je n’ose
Et que je ne puis pas
Dire, et ce n’est pas
De mourir sans avoir laissé
Rien de son âme dans la vie où l’on a passé.