Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
41
L’UNIVERSITÉ DE PARIS AU XVe SIÈCLE

irréfragables des saintes Écritures, la plupart des scolastiques les jugent de si faible poids qu’une raison tirée de l’autorité leur semble sans force et sans pénétration ; ils l’accueillent par des sifflets et des éclats de rire ; comme si ce qu’invente la fantaisie de l’humaine imagination pouvait avoir plus de poids que ce que Dieu nous a révélé du haut du ciel ! »

Unanime est donc le langage que tiennent, au début du xve siècle, les maîtres les plus illustres de F Université de Paris, les Pierre d’Ailly, les Jean Gerson, les Nicolas de Clamanges. Que la Théologie ne cherche plus à étayer ses enseignements de principes empruntés aux philosophes païens et musulmans, car ce sont appuis trompeurs qui la feraient choir dans l’hérésie ! Qu’elle ne cherche plus, dans les questions qui lui sont propres, un prétexte à discuter des problèmes de Physique ou de Métaphysique, car ce serait sacrifier le nécessaire au superflu ! Qu’elle se garde surtout de donner, , au grand scandale d’auditeurs non prévenus, dans les subtilités dialectiques, dans les sophismes qui font fureur en Angleterre.et dont il importe de sauvegarder Paris ! Qu’elle revienne franchement à la tradition des Pères, aux méthodes que la Scolastique lui avait fait délaisser !

Chassée de la Théologie, la sévère Logique dont l’École atoujours fait vanité, que les Nominalistes ont porté à un si haut degré de rigueur et de pénétration, n’en garde pas moins un domaine où elle se peut légitimement exercer ; ce domaine, Jean Gerson, toujours si mesuré et si prudent, a grand soin de le lui réserver ; il comprend la Métaphysique et les Sciences physiques. Si donc la Faculté de Théologie lui doit être fermée, du moins aux yeux des hommes clairvoyants, la Faculté des Arts lui demeure largement ouverte ; l’enseignement Scolastique restera libre d’y exposer les sciences spéculatives par les méthodes dont il use depuis deux siècles. L’autorité ecclésiastique, d’ailleurs, l’y encouragera ou, pour mieux dire, l’y obligera.

En 1447, Thomas Parentucelli de Sarzane était monté, sous le nom de Nicolas V, sur la chaire de Saint-Pierre.

Le nouveau pape était fervent admirateur d’Aristote dont il voulait rajeunir et revivifier l’étude dans la chrétienté. À la demande d’Alphonse V d’Aragon, lejcardinal Bessarionfavait donné une traduction nouvelle de la Métaphysique d’Aristote. Dans son épître dédicatoire, Bessarion nous apprend[1] que

  1. Launoii Op. laud., cap. X ; éd. cit., p. 104.