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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

» Le Disciple. — Pour connaître la Métaphysique et la Théologie tout entières, il suffirait donc de savoir la Logique ? Point ne serait besoin d’autre étude ?

». Le Maître. — Vous vous trompez. La Logique ne donne pas la connaissance de ces sciences ; mais, par des moyens surs, elle nous fournit un chemin qui y conduit. »

« La recherche métaphysique, écrit encore notre auteur[1], doit s’élever au-dessus de l’enseignement de la Grammaire et de la Logique ; il doit se le subordonner, mais il ne doit point le mépriser ; il ne doit point lui tourner le dos ; sinon, comme il arrive souvent, celui qui prétend faire de la métaphysique devient un simple bavard pareil à une pie babillarde ; il ignore le mot propre et tombe dans l’erreur. »

Non seulement Gerson revendique pour la Logique le rôle d’introductrice indispensable à la saine étude des sciences, mais encore il tient à ce que l’ordre naturel des diverses études soit sévèrement maintenu.

« Celui, dit-il[2], qui veut concevoir les choses naturelles d’une manière scientifique peut procéder par deux voies qui sont, pour ainsi dire, de sens contraires, et il peut, aux sciences, donner un ordre correspondant. L’une des voies consiste à partir de ce qui se peut connaître a priori. L’autre voie prend pour point de départ ce qui se connaît a posteriori ; cette dernière est celle que les philosophes nous ont appris à suivre à travers toutes les sciences, depuisc la Grammaire jusqu’à la Métaphysique, en passant par les sciences intermédiaires ; c’est celle que nous enseigne le très bel ordre des sciences ; cet ordre ne procède ni de notre seule volonté ni du hasard ; il a son fondement dans la nature des choses…

» Les concepts acquis dans une science ou dans un art subordonné se trouveront aisément erronés s’ils ne se tiennent pas pour satisfaits des bornes en deçà desquelles ils peuvent servir à la recherche ou, lorsqu’ils les dépassent, s’ils ne se résolvent pas en concepts appartenant à la science dont dépend la première. C’est à la Métaphysique qu’il appartient particulièrement de savoir si les concepts tirés de la matière par voie d’abstraction sont tels dans la réalité extérieure ou s’ils sont

  1. Johannis Gerson De concordia. Metaphysicæ cum Logica propositiones quinquaginta. Anno MCCCCXXVI. (Johannis Gerson Opera, éd. cit., XX, S.)
  2. Johannis Gerson Centilogium de Conceptibus, 8a partitio. (Johannis Gerson Opera, éd. cit., pars III, IX, R.)