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L’UNIVERSITÉ DE PARIS AU XVe SIÈCLE

chargea[1] maître Albert Scriptoris de porter ses doléances au pape.

Le Livre des Procureurs de la Nation Anglaise nous a permis : de retracer par le menu la vie pitoyable que mena, pendant la première moitié du xve siècle, un des principaux groupes qui composaient l’Université de Paris ; on peut croire que les autres n’étaient guère plus heureux ; partout la guerre, les séditions, la peste, la famine engendrent la plus affreuse misère ; pendant cinquante ans, des églises, chapitres, collèges et hôpitaux de Paris monte un long cri de détresse où, sans cesse, cette formule revient comme un lamentable refrain[2] : « Propter guerrarum turbines, mortalitatum pestes, aliosque divesros eventus quæ et qui in illis partibus (proh dolor) duitius viguerunt et adhur vigent. »

Au 1er Mai 1432[3], l’église Saint-Étienne est à demi effondrée ; les douze chanoines sont dans la misère, car, de 500 livres, leurs revenus annuels sont tombés à moins de 60 livres. Au 24 juillet 1434[4], les chanoines de Notre-Dame se voient contraints de ne plus habiter les maisons, propriétés de la mense épiscopale, qui avaient été construites à leur usage, car elles menacent ruine. Le 11 Mars 1432[5], la rareté des revenus et la multitude des lépreux dans la Ville de Paris réduisent l’hospice de Saint-Lazare à la plus misérable indigence.

Les établissements consacrés aux études n’étaient pas plus prospères, cela va sans dire. Le 15 Avril 1432[6], le Collège Saint-Nicolas de la Louvière se plaint à Nicolas IV de l’extrême diminution que ses revenus ont éprouvée par suite de ia guerre ; il n’est plus possible ni de subvenir aux besoins des maîtres et des écoliers, ni de réparer les constructions branlantes du Collège. Comment espérer, d’ailleurs, qu’il se puisse, à ce moment, rencontrer en France quelque institution florissante ? Lisons l’« Épistre faicte par Jehan Juvenal des Ursins, évesque et eeconte de Beauvais, pour envoyer aux trois Estas tenus à Bloysee l’an mil CCCCXXXIII ». Elle nous dira[7] : » Les choses ont esté tellement, depuis trente ans ou aultre longtemps, si mal

  1. Liber procuratorum…, t. II, col. 733.
  2. Supplique adressée au pape, le 1er Avril 1441, par Denys, évêque de Paris. Denifle, La désolation…, t. I, 1897, pièce no 154, p. 54.
  3. Denifle, Op. laud., pièce no 156 ; t. I, pp. 56-57.
  4. Denifle, Op. laud., pièce no 155 ; t. I, p. 55.
  5. Denifle, Op. laud., pièce no 167 ; t. I, p. 62.
  6. H. Denifle, La désolation…, pièce no 160 ; t. I, p. 58.
  7. H. Denifle, La désolation…, pièce no 996 ; t. I, p. 499.