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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

ment coexister avec les diverses parties de l’air ; par cette résistance, on entend tout simplement que le milieu a des parties réellement distinctes et que le mobile ne peut, d’une manière naturelle, exister simultanément en toutes ces parties. »

Cette distinction marquée, notre auteur répond à la question posée.

« Si l’on prend le mot résistance au premier sens, je dis que cette résistance opposée par le milieu soit au mobile, soit au moteur, n’est point la cause qui rend successif le mouvement local de translation ; en effet, toute résistance de ce genre une fois écartée, dès là qu’on laisse l’espace doué de grandeur et possédant des parties distinctes, le mobile se peut encore mouvoir de mouvement local [successif]…

» Mais si l’on prend le mot résistance au second sens, je dis que cette résistance suffit et qu’elle est, dans le mouvement local, la cause précise du caractère successif, comme nous le verrons plus loin, » c’est-à-dire dans la question suivante.

« De fait, poursuit notre auteur, de deux mouvements de translation, l’un n’est jamais plus vite que l’autre si ce n’est parce que, dans le premier, le milieu est divisé avec plus de force que dans le second, cju’il s’agisse, d’ailleurs, d’un milieu subtil ou d’un milieu dense (spissum) ; de fait, donc, comme un milieu subtil se laisse plus aisément diviser qu’un milieu dense, la résistance du milieu est plus ou moins grande et, de fait, elle est, pour le mouvement de translation, et toutes choses égales d’ailleurs, cause de ralentissement ou de vitesse. Mais s’il existait un milieu dont les parties eussent des situations distinctes et qui fût privé de toute qualité, si le mobile pouvait coexister (esse simul) avec ce milieu pourvu de parties distinctes, il pourrait encore se faire qu’en un tel milieu, un corps se mût plus vite qu’un autre ; cela ne serait point parce que le premier diviserait Je milieu avec plus de force que le second, puisqu’ici le milieu n’est pas divisé par la puissance ; mais une puissance motrice plus grande ferait coexister le mobile avec les diverses parties du milieu plus vite qu’une puissance moindre. On voit ainsi d’une façon manifeste que le caractère successif du mouvement, la vitesse, la lenteur n’ont point pour cause nécessaire cette résistance du milieu qui provient de la subtilité ou de la densité (spissitudo). »

La pensée d’Ockam est bien claire ; peut-être]|redoutait-il cependant qu’elle ne fût pas exactement saisie par son’lecteur, car il reprend dans la question suivante, la quatre-vingt-h ui-