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LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

Sur la définition scotiste de la masse, cette définition thomiste présentait un avantage. On en eût immédiatement, en effet, tiré cette conclusion : En toute corruption et génération, en tout changement de forme substantielle ou, comme nous dirions aujourd’hui, en toute transformation chimique, la masse d’un corps demeure la même. De la définition Scotiste, on ne saurait déduire cette conséquence.

A ce sujet, d’ailleurs, on n’eut pas occasion de discuter au Moyen-âge.


B. Guillaume d’Ockam


En un très grand nombre de circonstances, Guillaume d’Ockam épouse le sentiment de Duns Scot ; c’est ce qui a lieu, en particulier, au sujet de la résistance qu’un mobile éprouve de la part du milieu au sein duquel il se meut. Parmi ses Questions sur le livre des Physiques, deux questions, la quatre-vingtseptième et la quatre-vingt-huitième, sont consacrées à ce problème.

La quatre-vingt-septième question est ainsi formulée 1 : « Si le mouvement de translation est successif, est-ce à cause de la résistance du milieu au mobile ou bien à cause de la résistance du mobile au moteur ? »

Pour répondre à cette question, Ockam commence par distinguer deux sens du mot résistance.

« Tout d’abord, le mot résistance peut être pris au sens propre, pour désigner un effort (nisus), une action (actio). Une semblable action ne se produit jamais sans qu’il y ait violence exercée sur le corps qui résiste ; or, il ne se rencontre pas, en tout mouvement local, un corps résistant à vaincre ; s’il est vaincu, il se meut de mouvement violent, comme on le voit lorsqu’un corps pénètre de la terre, heurte quelqu’un qui court ou marche contre le mouvement de l’air.

» Le mot résistance peut aussi être pris d’une manière impropre pour désigner l’impossibilité où une chose se trouve de coexister avec une autre (pro incompossibilitate aliquorum ad aliquid). C’est de cette façon que l’air résiste à la pierre, parce que, d’une manière naturelle, la pierre ne saurait égale¬

1. Questiones magistri Guglelmi de Okmi super librum Phisicorum ; quæst. LXXXVII : Utrum successio in motu recto sit propter resistentiam medii ad mobile seu mobilis ad motorem (Bibliothèque Nationale, fonds latin, nouv. acq., ms. n° 1139, fol. 15, col. d, et fol. 16, col. a)