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LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

quelque vitesse ou quelque lenteur accidentelle surajoutée à sa vitesse essentielle. »

Voilà, nettement formulé, le principe d’où sortira la Dynamique de Galilée, de Descartes et de Beeckman : Ce qui est essentiel, dans le mouvement qu’un moteur imprime à un mobile, c’est la loi suivant laquelle se développerait ce mouvement dans le vide. L’influence du milieu doit être considérée comme quelque chose qui s’ajoute accidentellement au mouvement essentiel. Sans ce départ, la Dynamique moderne n’eût jamais été fondée.

Le mouvement serait donc successif, même dans le vide, parce que le chemin que le mobile doit parcourir est une quantité divisible ; mais Duns Scot nous a averti que la cause par laquelle le mouvement dure nécessairement un certain temps n’est pas là tout entière ; il faut faire intervenir une résistance qui est du mobile et qui ne lui permet pas d’être simultanément en toutes les parties de cet espace divisible. Or, au sujet de cette résistance du mobile au moteur, il n’a rien dit de clair et d’explicite. Tout au plus a-t-il sommairement indiqué qu’elle pouvait provenir de la divisibilité du mobile, ce qui nous a fait souvenir de l’opinion de Saint Thomas d’Aquin ; ce qu’il a dit ne saurait suffire, cependant, pour que nous le puissions compter au nombre des partisans du Doctor communis.

Le Docteur Subtil ne nous dira rien de plus sur" la nature même de la masse ; mais, au sujet de la distinction, dans un poids, de la force qui meut et de la masse qui est mue, il va s’attacher à préciser la première notion ; ce sera, par contrecoup, préparer la définition de la seconde ; et nous verrons, en effet, ses disciples accomplir ce qu’il aura préparé de la sorte.

Nous avons vu comment Roger Bacon avait développé, au sujet de la nature de la pesanteur, une théorie qui semblait résoudre tous les problèmes posés par le Péripatétisme ; nous avons dit comment Pierre d’Auvergne, rejetant cette théorie, identifiait, dans un grave, la force motrice, le poids, avec la forme substantielle.

C’est contre cette théorie de Pierre d’Auvergne que Duns Scot s’élève avec vivacité. Dire qu’un corps^léger monte parce qu’il est corps léger en acte, c’est, à son gré[1], énoncer une simple tautologie.

1. Joannis Duns Scoti Scriptum Oxoniertse, lib. II, dist. II, quæst. X : Utrum angelus possit movere se. Et si dicatur…

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