Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/83

Cette page n’a pas encore été corrigée
80
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

disciples du Docteur Subtil dissiperont peu à peu les brumes qui voilent cette lumière.

Plus claire sera la doctrine du Scriptum Oxoniense, au sujet du mouvement dans le vide ; elle se conformera à celle d’Ibn Bâdjâ ; la voici :

Revenons « à cette affirmation d’Averroès : Si un grave était placé dans le vide, il descendrait en un instant par suite de l’absence de résistance du milieu. Je réponds que, selon le Philosophe, même si l’on admettait le vide, un grave ne saurait s’y mouvoir, parce que le vide ne pourrait céder place au grave et que des dimensions séparées ne peuvent coexister à un corps. Mais si l’on admettait que le vide peut céder place à un corps, qu’il est un certain espace…, je dis alors que le grave se mouvrait, dans le vide, d’un mouvement successif,…car, dans le mouvement local, la succession existe par elle-même, et provient de l’espace en tant qu’il est une grandeur (per se successio est in motu locali ex spatio in quantum quanto).

» Si donc le vide pouvait céder place et que le mouvement pût se faire en lui, par suite de la divisibilité de l’espace, ce mouvement aurait divisibilité et succession, tout comme maintenant, par suite de la divisibilité de l’espace plein, le mouvement a une succession essentielle… Et il peut y avoir égalité entre le milieu vide et le milieu plein, en tant que cause ou raison de la succession essentielle dans le mouvement… Mais à cette succession [essentielle] peut s’ajouter une certaine vitesse ou une certaine lenteur, qui a sa raison d’être dans une condition accidentelle du milieu lui-même ; celui-ci peut, en effet, promouvoir ou empêcher le mouvement, soit en raison de sa subtilité par laquelle il facilite ou, tout au moins, n’empêche pas le mouvement, soit en raison de sa densité qui fait opposition.

» Le mouvement se ferait donc, dans le vide, d’une manière successive, et on en pourrait évaluer le rapport (proportionabilis) au mouvement dans le plein. Je parle, ici, de la succession essentielle, et non de la vitesse ou de la lenteur surajoutée ; dans le vide, en effet, le mobile n’aurait absolument aucune vitesse ni aucune lenteur surajoutée, tandis qu’il en aurait quelqu’une dans le plein ; or, de rien à quelque chose, il n’y a, d’une manière précise, aucun rapport. À l’encontre d’un adversaire, donc, qui affirme que le mouvement se produit dans le vide, le Philosophe a seulement établi cette conclusion : Qu’il ne saurait se produire dans le vide aucun mouvement qui ait