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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

aussi, que l’intensité de la pesanteur dépend de la position que le grave occupe ?

Assurément, si l’on ne voulait point se contenter de ces rapprochements d’ensemble, si l’on pénétrait dans le détail, on ne tarderait guère à mettre en évidence une multitude de différences entre la Mécanique incomplète et erronée de Bacon et notre Mécanique beaucoup plus parfaite. Il serait ridicule de vouloir faire de notre maître ès-arts un précurseur de Newton. N’est-il pas permis, cependant, de signaler ces ébauches, ces sortes de raisons séminales des doctrines que le labeur des siècles et la méditation des hommes de génie amèneront, un jour, à leur forme achevée ?

La théorie de la gravité proposée ou exposée par Roger Bacon eut assurément une grande vogue. Un siècle plus tard, à F Université de Padoue, l’enseignement du Dominicain Graziadei d’Ascoli en reproduisait les traits les plus caractéristiques. Traduisons ici les principaux passages de la réponse que Graziadei fait à cette question 1 : Les graves sont-ils mus par leur cause génératrice ?

« Toute chose reçoit de la même cause une opération et ce qui la contraint d’accomplir cette opération, un mouvement, par exemple, et ce qui lui rend ce mouvement nécessaire… Or, cette nécessité [d’accomplir tel mouvement] toute chose la tient de ce qui lui donne la forme dont un semblable mouvement est conséquence. Comme toute chose reçoit sa forme de sa cause génératrice, il est nécessaire qu’elle tienne aussi, de cette cause, son mouvement et ce qui la contraint à ce mouvement.

» Mais il y a deux causes génératrices, une cause particulière et la cause universelle ; la cause particulière, d’ailleurs, engendre, en vertu de la cause universelle ; car, d’une manière générale, toute cause seconde agit en vertu de la cause première. Principalement donc et sürtout, c’est de la cause génératrice universelle que la chose engendrée reçoit sa forme et ce qui rend son mouvement nécessaire ; c’est donc aussi de cette cause qu’il tient principalement son mouvement. Si la cause génératrice générale était supprimée, la chose engendrée ne serait plus

1. Preelarissime questiones littérales édité a fratre gratia deo esculano sacri ordinis predicatorum super libros Aristo. de physico auditu : secundum ordinem lectionum. Dùû Thome Aquinatis. Lib. VIII, lect. VII, quæst. III. Ed. Venetiis, 1503, foi. 85, col. d, et fol. 86, col. a. — Cf. : Questiones fratris gratiadei de esculo… per ipsum in florentissimo studio patavino disputate. Quæst. XIII, hac positione… ; éd. cit., fol. 123, col. d.