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LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

dis que la forme immatérielle est une cause universelle et non pas une cause particulière.

» En outre, cette forme immatérielle ou vertu céleste meut de mouvement circulaire, tandis que la grave se meut de mouvement rectiligne. »

En effet, cette forme immatérielle ou vertu céleste, si on la considère telle qu’elle est en elle-même est une cause universelle qui a pour propriété de mouvoir de mouvement circulaire. Considérée de cette façon, comme « absolument immatérielle », elle n’est pas le moteur du grave. Pour mouvoir le grave du mouvement rectiligne qui lui est particulier, il faut « qu’elle soit incorporée à la matière, qu’elle soit reçue sous les conditions matérielles de ce grave, qu’elle lui soit appropriée d’une certaine façon. »

Cette sorte de matérialisation de la forme immatérielle est encore nécessaire à un autre point de vue.

Un principe absolument immatériel ne saurait transformer une chose matérielle… Nous voyons donc parla que « cette forme ou force qui meut le grave n’est pas absolument immatérielle ; d’une certaine façon, en tant qu’elle est soumise aux conditions matérielles du grave, par le mode d’existence qu’elle a dans le grave, elle est matérielle. En effet, si cette forme immatérielle meut le grave, c’est par le moyen de la forme du grave, qui est l’acte de la matière et qui est une forme matérielle. »

Au cours de la question suivante[1], Bacon explicite ce que la dernière proposition vient d’indiquer sommairement.

« Il y a ici deux moteurs, écrit-il, le moteur matériel ou la forme qui est la perfection même du grave, et le moteur immatériel qui est la force céleste à laquelle le grave participe. Cette dernière force, d’ailleurs, en tant qu’elle réside dans le grave, est, d’une certaine manière, matérielle et appropriée. D’autre part, la forme matérielle, par le fait qu’elle reçoit sur elle la forme immatérielle, devient immatérielle d’une certaine façon ; elle est anoblie par la réception de cette forme immatérielle qui se superpose à elle. Elle peut donc mouvoir le grave en raison du rapport mutuel entre ce qui est matériel et ce qui est immatériel…

» Il est véritable qu’elle ne suffit pas à mouvoir, puisqu’elle est acte de la matière ; mais elle peut être cause concomitante

1. Quæst. VII ; ms. cit., fol. 71, col, a et b.

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