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LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

tion ; elle conclut, en effet, qu’il y a là une certaine violence, et cela est vrai en ce que les parties du grave s’écartent du centre d’une certaine manière ; toutefois, comme ces parties tendent au centre, le mouvement de ces parties n’est pas tout à fait violent. »

De cette violence à laquelle sont soumises les diverses parties d’un grave qui tombe résultent, au gré de notre auteur[1], une production de chaleur et, partant, une dilatation du mobile.

Bacon attachait assurément grand prix à cette remarque, car il l’a reproduite plus tard dans VOpus majus[2]. Nous verrons par la suite qu’elle a attiré l’attention d’Albert de Saxe et d’autres Scolastiques parisiens.

Or de cette théorie qu’il développe aussi amoureusement que si elle était sienne, il ne semble pas que Bacon soit l’auteur, car nous le trouvons, très clairement exposée, dans un des opuscules de Robert Grosse-Teste[3].

« De la chaleur, dit l’Évêque de Lincoln, s’engendre dans le corps qui tombe naturellement. Chacune des parties de ce corps, en effet, est soumise à deux forces qui le meuvent d’une manière actuelle, une force naturelle et une force violente.

» Qu’il y ait là une force naturelle, c’est évident ; mais qu’il y ait aussi une force violente, je le prouve. Toute chose pesante qui ne tombe pas directement vers le centre est mue d’une manière violente ; mais les diverses parties du grave ne se meuvent pas directement vers le centre ; donc les diverses parties du corps pesant sont mues violemment. Je prouve la mineure : Les diverses parties du grave demeurent toujours, dans le tout, à des distances constantes les unes des autres ; lors donc qu’elles sont mues par la chute du corps entier, elles sont mues suivant des lignes parallèles ; mais des lignes parallèles ne sauraient concourir lors même qu’on les prolongerait de part et d’autre à l’infini ; les diverses parties d’un grave mû de mouvement naturel tombent donc suivant des lignes non concourantes ; elles ne tombent donc pas directement vers le centre, car si elles se mouvaient directement au centre, les

1. Quæst. VII ; ms. cit., fol. 71, col. a.

2. Fratris Rogeri Bacon Opus majus, Pars IV, Dist. IV, cap. XIV : An motus gravium et levium excludat omnem violentiam ? Et quomodo gignatcalorem ? Itemque de duplici modo sciendi. Ed. Jebb, pp. 103 et 104, marquées, par erreur, 99 et 100. — Ed. Bridges, Pars. IV, dist. IV, cap. XV ; vol. I, pp. 167-169.

3. Roberti Linconiensis Tractatas de calore Solis (Roberti Linconiensis Opuscula, Venetiis, 1514 ; fol. 3, col. c).

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