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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

en effet, ce n’est pas par nécessité, c’est par volonté libre qu’elle donne l’existence à ce à quoi elle la veut donner. »

Graziadei sait quelles objections on a coutume de dresser contre cette proposition[1]. Les uns, avec ie Commentateur, disent : Si le vide existait, il y aurait une grandeur qu’aucun corps ne porterait, c’est-à-dire un accident sans substance. D’autres écrivent : Les trois dimensions relèvent de la considération du mathématicien ; on verrait donc exister des êtres mathématiques séparés de toute propriété physique. Pour éviter ces objections, d’autres soutiennent cette opinion : « Si le vide existait, non seulement il n’en résulterait aucune dimension séparée, mais encore il n’existerait plus dé distancé entre les extrémités de l’espace vide ; si les corps compris entre le ciel et la terre se trouvaient supprimés, toute distance entre le ciel et la terre disparaîtrait par là même, en sorte que le ciel se trouverait conjoint à la terre. »

« Comme tout cela paraît frivole, répond Graziadei ! Le vide ne pose pas des dimensions réelles, mais seulement des dimensions conçues (imaginatæ) ; s’il existait donc, il n’y aurait pas d’accident réel sans substance, ni de réalité mathématique sans matière sensible ; cet être mathématique serait seulement conçu.

» Mais la distance entre les extrémités de l’espace vide ne serait pas pour cela supprimée ; car, si elle l’était, le vide ne poserait plus aucune dimension, aucune étendue ni réelle ni conçue, ce qui est faux ; dans un point, en effet, il ne peut y avoir dimension ni étendue, soit réelle soit simplement conçue. Le vide, au contraire, pose trois dimensions conçues, attendu que le corps que peut recevoir cet espace possède réellement trois dimensions. »

La pensée de Graziadei est évidemment très voisine de celle qu’avait exposée Richard de Middleton.


V

Digression : Qu’est-ce que la pesanteur d’un grave ?


L’exemple de saint Thomas d’Aquin nous a montré comment cette proposition : Dans le vide, un grave tomberait avec une

1. Gratiadei Op. laud.t lib. IV, ïecL XII, quæst. IV ; éd. cit., fol. 50, col. c.

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