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LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

métier de raisonner suivant les principes de la philosophie naturelle et qui, n’étant pas théologiens, n’ont pas à prendre, pour principes de leurs déductions, les vérités révélées ? Que diront les maîtres ès-arts ?

Fidèle au système qu’il a maintes fois formulé, Jean de Jandun exposera purement et simplement l’enseignement de la Physique péripatéticienne, qui conclut à l’impossibilité du vide ; aux raisons théologiques qui concluent en sens contraire, il ne fera même pas une allusion.

Mais la plupart des maîtres ès-arts ne garderont pas cette sereine impassibilité qui semble ignorer jusqu’à l’existence du conflit. En tout ce qu’il dira au sujet du vide, Burley se montrera disciple fidèle d’Aristote et d’Averroès ; toutefois, il ne laissera pas ignorer à ses auditeurs que la théologie catholique leur demande d’admettre des conclusions contraires à celles qu’ont formulées le Philosophe et son Commentateur ; il leur indiquera ce qu’exigent d’eux, à son avis, les décisions prises par Etienne Tempier.

« Ceux qui admettent la création du Monde sont tenus de dire ce qui suit[1] :

» De même que Dieu a créé un Monde discontinu, formé de diverses parties, discontinuité en vertu de laquelle les diverses parties du Monde sont proprement en un lieu, de même Dieu eût pu créer un corps absolument continu en toutes ses parties et ne rien créer d’autre que cette boule continue. Admettons donc que Dieu, lorsqu’il a créé le Monde, eût créé, au lieu de ce Monde-ci, un corps sphérique absolument continu. Tout corps étant en un lieu, ce corps sphérique, lui aussi, eût été en un lieu ; il n’eût pas, d’ailleurs, été en un lieu par ses parties ; aucune partie, en effet, n’eût été en un lieu, puisque le lieu est un corps contenant divisé [au corps contenu] et que ce corps est absolument continu. Il reste donc que ce corps se fût trouvé dans le vide. Ainsi, ceux qui admettent la génération du Monde sont tenus de supposer l’existence du vide.

» Disons, à ce propos, que les théologiens des diverses reli¬

1. Burleus super octo libros physicorum. Colophon : Et in hoc finitur expositio excellentissimi philosophi Gualterij de burley anglici in libros octo de physico auditu Aristo. stragerite (sic) emendata diligentissime. Iinpressa arte et diligentia Boneti locatelli bergomensis, sumptibus vero et expensis Nobilis viri Octaviani scoti modoetiensis. Et huinato Jesu eiusque genitrici virgini Marie sint gratie infinité. Uenetijs. Anno salutis nonagesimo primo supra millesimum et quadringentesimum. Quarto nonas decembris. Lib. IV, tract. I, cap. I ; fol. précédant immédiatement le fol. sign. I, col. c.

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