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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

concernent les qualités naturelles. Mais il n’en est ainsi ni de la matière prise en elle-même, ni de la matière soumise à la seule forme de corporéité et de dimension quantitative. De cette façon, elle ne concerne aucune qualité, car le corps en tant que corps et en tant que doué de grandeur, n’est pas corps naturel plutôt que corps mathématique ; bien au contraire. Pour qu’il conserve quelque qualité naturelle, il faut qu’il soit pris sous quelque forme naturelle, la forme de corps grave, par exemple, ou la forme de corps léger ; c’est d’une telle forme que résulte cette qualité naturelle qui est la gravité ou cette gravité naturelle qu’est la légèreté. C’est donc seulement lorsqu’il est considéré comme soumis à la gravité ou à la légèreté, que le corps peut jouer le rôle de mobile, de corps mû ; c’est cela même qui est, pour lui, le principe et la raison d’être de sa mobilité. »

Qu’un corps ait une masse en vertu de la seule quantité de sa matière première, c’est une géniale aperception de Thomas d’Aquin, mais c’est une aperception prématurée ; les esprits, au temps du Doctor commuais, n’étaient pas préparés à en reconnaître la justesse ; nul ne l’a comprise ; c’est une pensée que les mécaniciens des siècles suivants devront laborieusement découvrir une seconde fois.


III

L’impossibilité du vide et la Scolastique avant 1277 (suite). Le vide et la pluralité des mondes


À la Scolastique du xiiie siècle, cette proposition : Le vide est impossible, apparaissait comme une. sorte’d’axiome dont la négation constituait une véritable absurdité. Nous l’avons entendu déclarer par Robert Grosse-Teste. Cet axiome semblait propre à servir de majeure à certaines déductions. C’est ainsi que l’impossibilité du vide servit, à son tour, à justifier par une méthode dont Aristote n’avait point usé, cette proposition péripatéticienne : Il ne saurait exister plusieurs mondes.

Nous trouvons pour la première fois cet argument dans le commentaire au Traité de la sphère de Joannes de Sacro-Bosco que Michel Scot composa à la demande de l’empereur Frédéric IL