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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

que tout mouvement naturel part d’un lieu non naturel pour tendre au lieu naturel ; jusqu’au moment donc où le mobile atteint son lieu naturel, il n’est pas absurde que quelque chose de non naturel lui soit conjoint ; ce qui est ainsi contre nature le quitte peu à peu pour tendre à ce qui est conforme à la nature ; c’est pourquoi le mouvement naturel s’accélère à la fin. »

De cette explication malheureuse de l’accélération de la chute des graves, la science du xive siècle fera justice.

Ce que Thomas d’Aquin avait apporté à l’appui de l’opinion d’Ibn Bâdjâ était extrêmement nouveau, extrêmement éloigné de la doctrine péripatéticienne et, de plus, exposé en termes très concis. Qu’une telle pensée soit demeurée incomprise même de ceux que l’on regarde habituellement comme de fidèles thomistes et qu’elle ait été rejetée par eux, nous ne saurions nous en étonner..

Nous ne saurions donc être surpris, en particulier du langage tenu par Gilles de Rome.

« Dans le mouvement d’un corps grave ou léger, dit-il x, c’est la résistance du milieu qui, seule, requiert un temps pour l’accomplissement du mouvement ; ce n,’est point la résistance du mobile ; ici, en effet, la raison du mouvement, c’est la forme ; or, qu’en un tel corps grave ou léger, on fasse abstraction de la forme ; il ne reste plus que la matière ; mais la matière ne possède rien par quoi elle puisse résister au mouvement d’un tel corps ; le temps ne peut donc être requis par la résistance du mobile, mais seulement par l’empêchement qu’apporte le milieu.

» Peut-être dira-t-on : sans doute, lorsqu’on fait abstraction de la forme, la matière ne demeure douée d’aucune qualité, car toute qualité se tient du côté de la forme ; mais la matière demeure pourvue de quantité, parce que la quantité se tient du côté de la matière… Cela ne suffira pas à requérir un temps pour l’accomplissement du mouvement ; aucun temps, nous l’avons démontré, ne se trouve requis par le mouvement, en raison de la seule quantité, à moins que la quantité ne soit accompagnée de quelque disposition contraire au mouvement ou de quelque résistance ou de quelque empêchement. »

1. Egidiï Romani In libros de physico auditu. Aristotelis commentaria… Eiusdem questio de gradibus formartun. Colophon : Preclarissimi summique philosophi Egidii Romani De gradibus formarum tractatus Uenetijs impressus mandato et expensis Heredum Nobilis viri domini Octaviani Scoti civis Modoetîensis per Bonetum Locatellum presbyterum. 12° Kal. Octobr. 1502. Lib. IV, lectio XIII, dubium 3m ; fol. 81, col. b.