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LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

Mais cet auteur n’était pas Ibn Bâdjâ ; c’était Jean le Grammairien ou, peut-être, son maître Ammonius, fils d’Hermeas. Avempace, on n’en saurait douter l’avait empruntée à Philopon. Heuseux emprunt ! C’est, en effet, par Averroès, citant Avempace, que la chrétienté latine a connu cette doctrine, qui portait en germe une part de la Dynamique de Galilée.

Il est impossible, nous l’avons dit, d’établir aucun rapprochement entre les premiers principes de cette Dynamique et les axiomes essentiels de la Dynamique newtonienne.

En un corps qui se meut, la Dynamique développée par Newton distingue deux éléments, ce qui meut et ce qui est mû ; la force est ce qui meut, et la masse ce qui est mû ; les grandeurs respectives de ces deux éléments fixeront la loi du mouvement.

En un orbe céleste qui se meut, le Péripatétisme consent à distinguer un moteur et une chose mue ; le moteur conjoint au ciel est ce que le néoplatonisme hellène ou arabe nomme l’âme du ciel ; la chose mue est le corps du ciel.

En un animal qui se meut, P Aristotélisme veut bien encore distinguer un moteur, qui est l’âme de l’animal, et une chose mue qui en est le corps.

Mais en un corps inanimé, en un grave par exemple, ni le Philosophe ni ses disciples n’admettent cette séparation en moteur et chose mue. Et comme ils veulent que quelque chose s’oppose au moteur, l’empêche d’atteindre instantanément le but auquel il tend, ils cherchent la cause de cette opposition en une résistance extrinsèque au mobile, engendrée par le milieu.

C’est la pensée fondamentale de cette Dynamique qu’Avempace battait en brèche lorsqu’il déclarait accessoire et accidentel le rôle joué, dans le mouvement naturel d’un grave, par la résistance du milieu, lorsqu’il voulait que la loi simple et essentielle de ce mouvement dépendît seulement du moteur et du mobile, et de la comparaison que l’on peut établir entre eux.

Ces principes de la Dynamique péripatétitienne, Averroès les rappelle afin de les opposer à la théorie d’Avempace : « Il est manifeste, dit-il, que cette résistance au moteur se trouve en la chose mue elle-même lorsque la chose mue est distincte par elle-même ; c’est la disposition qui se rencontre dans les corps célestes. Mais au sein d’un élément, la chose mue n’existe qu’en puissance tandis que le moteur existe en acte ; un élément, en effet, est composé de matière première et d’une forme simple ; c’est la matière première qui est la chose mue tandis