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PHYSICIENS ET ASTRONOMES. — I. LES HELLÈNES

C’est donc folie de vouloir imposer aux mouvements des corps célestes l’obligation de se laisser figurer par des mécanismes de bois ou de métal.

« Tant que nous les considérons dans ces représentations construites par nous, nous trouvons pénibles la composition et la succession des divers mouvements ; les agencer de telle manière que chacun d’eux puisse s’effectuer librement nous paraît une tâche difficile (ϰαὶ δυσπόριστον πρὸς τὸ τῶν ϰινήσεων ἀϰώλυτον). Mais si nous examinons ce qui se passe dans le Ciel, nous ne sommes plus du tout entravés par un semblable mélange de mouvements. »

Assurément, Ptolémée veut marquer, dans ce passage, que les mouvements multiples qu’il compose, dans la Syntaxe, pour déterminer la trajectoire d’un astre, n’ont aucune réalité ; le mouvement résultant est le seul qui se produise dans le Ciel.

Parmi les mouvements que l’astronome est ainsi conduit à attribuer aux astres pour sauver les phénomènes, pourrait-il s’en rencontrer auxquels répugnerait la nature de l’essence céleste ? Nullement. « Il n’y a, dans la région où se produisent ces mouvements, aucune essence qui soit, par nature, douée de la puissance de s’opposer à ces mouvements ; ce qui s’y trouve cède avec indifférence aux mouvements naturels de chacun des astres et les laisse passer, bien que ces mouvements se produisent en des sens opposés ; en sorte que tous les astres peuvent passer, et que tous peuvent cire aperçus, au travers de tous les fluides qui sont répandus d’une manière homogène. — Μηδεμιᾶς ὑπαρχούσης παρ’ αὐτοῖς φύσεως ϰωλυτιϰῆς, ἀλλὰ συμμέτρου πρὸς τὸ εἴϰειν παραχωρεῖν ταῖς ϰατὰ φύσιν ἑϰάστων ϰινήσεσιν ϰἂν ἐναντίαι τυγχάνωσιν, ὡς πάντα διὰ πάντων ἁπλῶς τῶν χυμάτων ϰαὶ διιϰνεῖσθαι ϰαὶ διαφαίνεσθαι δύνασθαι. »

Malgré la concision de cet exposé, nous y percevons nettement la doctrine que Ptolémée professe touchant les hypothèses astronomiques.

Les diverses rotations sur des cercles concentriques ou excentriques, sur des épicycles, rotations qu’il faut composer entre elles pour obtenir la trajectoire d’un astre errant, sont seulement des artifices ; ces artifices sont combinés en vue de sauver les phénomènes à l’aide des hypothèses les plus simples qui se puissent trouver. Mais il faut bien se garder de croire que ces constructions mécaniques aient, dans le Ciel, la moindre réalité. La sphère de chacun des astres errants est remplie d’une substance fluide qui n’oppose aucune résistance au mouvement des corps qu’elle