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PHYSICIENS ET ASTRONOMES. — I. LES HELLÈNES

convient-il de poser les principes sur lesquels repose l’étude des Mathématiques, ainsi que tout le monde en convient ».

La recherche de ce qui est en repos et de ce qui est en mouvement appartient au physicien, avait affirmé Posidonius : aussi, au nombre des principes qui précèdent les hypothèses astronomiques, Dercyllide prend-il soin de placer les propositions qui déterminent les corps absolument fixes. « Puisqu’il n’est pas conforme à la raison que tous les corps soient en mouvement ou qu’ils soient tous en repos, mais puisque les uns sont en mouvement, et les autres immobiles, il faut rechercher ce qui est nécessairement en repos dans l’Univers et ce qui est en mouvement. Il ajoute qu’il faut croire que la Terre, foyer de la maison des dieux, suivant Platon, reste en repos, et que les planètes se meuvent avec toute la voûte céleste qui les enveloppe. » Pour Dercyllide, fidèle à l’enseignement de Platon, les principes de l’Astronomie ne sont pas seulement des vérités de Physique, mais aussi des dogmes religieux.

Ces principes, que le physicien ou le théologien établit et formule, Dercyllide ne laisse pas au mathématicien la faculté de s’en affranchir ; celui-ci n’aurait pas le droit de poser des hypothèses destinées à sauver les apparences, si ces hypothèses contredisaient aux principes ; telle serait la supposition attribuée par Posidonius et par Géminus à Héraclide du Pont, la supposition selon laquelle le Soleil serait immobile et la Terre mobile ; Dercyllide « rejette avec exécration, comme opposés aux fondements de la Mathématique, ceux qui arrêtent les corps en mouvement, et qui mettent en mouvement les corps qui sont immobiles par nature et par la place qu’ils occupent

Au nombre des principes physiques, si rigoureusement imposés au respect de l’astronome, Dercyllide ne range pas la nécessité, pour tous les mouvements célestes, de se réduire à des rotations autour du centre du Monde ; le mouvement d’une planète sur un épicycle dont le centre décrit lui-même une circonférence concentrique à l’Univers ne lui paraît pas contredire à la saine Physique. Il ne croit pas, nous dit Théon de Smyrne[1], que les cercles excentriques soient la cause du mouvement qui fait varier la distance d’un planète à la Terre. Il pense que tout ce qui se meut dans le ciel est emporté autour d’un centre unique du mouvement et du Monde ; [il pense donc que le mouvement suivant des excen-

  1. Théon de Smyrne, loc. cit., éd. Th. H. Martin, p. 331 : éd. J. Dupuis, p. 325.