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PHYSICIENS ET ASTRONOMES. — I. LES HELLÈNES

nètes. — Τίνων ὑποτεθέντων δι’ὁμαλῶν ϰαὶ ἐγκυϰλίων ϰαὶ τεταγμένων ϰινήσεων δυνήσεται διασωθῆναι τὰ περὶ τοὺς παλνωμένους φαινόμενα ».

Nous avons appris également, de la bouche de Géminus[1], que les Pythagoriciens énonçaient dans les mêmes termes le problème fondamental de l’Astronomie géométrique. Cet énoncé, d’ailleurs, est parfaitement précis ; il fixe très exactement le point de départ et le point d’arrivée de la carrière que les géomètres devront parcourir ; d’une part, ils ne devront pas prendre, pour les composer entre eux, des déplacements autres que des mouvements circulaires et uniformes ; d’autre part, ils devront agencer ces mouvements de telle sorte qu’ils imposent aux astres un cours tout semblable à celui qui apparaît aux sens.

Ce problème est bien celui qui a sollicité les efforts d’Eudoxe et de Calippe : sauver les apparences (σώζειν τὰ φαινόμενα) est le seul objet en vue duquel ils aient combiné leurs hypothèses ; lorsque Calippe a modifié en quelques points le système des sphères homocentriques qu’Eudoxe avait agencé, c’est uniquement parce que les hypothèses de son prédécesseur ne s’accordaient pas avec certains phénomènes, et qu’il a voulu que ces phénomènes fussent sauvés à leur tour ; et lorsqu’Aristote collaborait avec Calippe pour accomplir cette tâche, il suivait simplement le précepte que Platon et les Pythagoriciens avaient donné aux mathématiciens.

Ce précepte, cependant, résume-t-il tout ce que Platon, tout ce qu’Aristote demandent à l’astronome ? Une représentation géométrique, si exacte soit-elle, des mouvements célestes, est-ce là le but suprême qu’ils assignent aux efforts du mathématicien, et se déclareront-ils satisfaits dès là que celui-ci aura construit une telle représentation ?

S’il en était ainsi, si Platon et Aristote eussent seulement souhaité d’obtenir des règles mathématiques qui leur permissent de prévoir avec certitude et précision les mouvements des astres, pourquoi auraient-ils imposé d’avance à ces règles l’obligation d’être construites d’une certaine manière ? Ne se seraient-ils pas contentés d’assigner à l’astronome une minutieuse concordance entre les résultats des calculs et les données de l’observation, tout en le laissant libre d’agencer à son gré ses combinaisons géométriques ? Pourquoi l’auraient-ils contraint de ne composer entre eux que des mouvements circulaires et uniformes ? Pourquoi auraient-ils restreint plus rigoureusement encore sa faculté de choisir, en l’obligeant, à figurer le Monde par un système de spè-

  1. Ibid, t. I, pp. 104-105.