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LA COSMOLOGIE DES PÈRES DE L’ÉGLISE

leur, l’opacité de chacun d’eux à l’égard des autres ; parmi les éléments simples, la terre et le feu (c’est du feu lumineux que je parle) sont les seuls qui possèdent ces propriétés ».

On remarquera, sans doute, avec quel dédain, dans toutes ces discussions relatives à la nature des cieux, Philopon paraît traiter l’hypothèse péripatéticienne de la cinquième essence. On ne s’en étonnera pas si l’on se souvient que, par ses doctrines physiques, notre auteur se rattachait à l’École stoïcienne, et que les Stoïciens n’ont jamais admis la cinquième essence.

Le traité sur la création du Monde composé par Jean Philopon nous apparaît comme une première tentative pour concilier la Physique que semble supposer le récit de la Genèse avec celle qu’enseigne la Philosophie hellénique. Mais le Grammairien n’aura pas de successeurs immédiats. Cette Philosophie, qu’il essaye de mettre d’accord avec sa foi de Chrétien, il en est le dernier représentant. Au moment où il compose son essai de concordisme, l’École d’Athènes, où la pensée païenne était, en dernier lieu, exposée et commentée par Simplicius, est déjà muette depuis une quinzaine d’années ; en 529, un édit de Justinien l’a fermée. Dans les pays qui l’ont vu naître et se développer, la Sagesse antique a fini de jouer son rôle ; chez les nations en décadence qui peuplent ces pays, la curiosité est émoussée, la puissance d’invention est exténuée ; tout domaine intellectuel est en proie au byzantinisme. C’est le moment où les peuples enfants qui ont envahi les frontières de l’Empire vont recueillir les dernières semences desséchées de cette Sagesse et, dans une terre fraîchement remuée, leur faire produire une nouvelle végétation.

FIN DU TOME II