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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

» Je pense donc que Moïse, à cause de la transparence du firmament, a voulu qu’il participât en majeure partie de l’air et de l’eau, c’est-à-dire des deux seuls éléments où se rencontrent la transparence et la fluidité ; mais il a supposé qu’en la génération du firmament, chacun de ces deux éléments se transformait en une substance solide, comme il semble arriver dans la génération du cristal et des pierres transparentes ; il dit donc fort justement qu’il a été engendré au milieu des eaux, le caractérisant ainsi par l’air et l’eau qui s’y trouvent en abondance : et il l’a nommé firmament parce que, de l’état de substance fluide, il a passé à la solidité…

» Moïse, donc, nous a suggéré la pensée que le Ciel, à cause de sa transparence, était, formé en majeure partie d’air et d’eau ; cette pensée est plus physique et s’accorde mieux avec les apparences » que les hypothèses de Platon et d’Aristote.

Arrivons au célèbre problème des eaux supérieures au firmament, et voyons comment Philopon le résout.

« Il y a deux cieux[1] qui diffèrent l’un de l’autre par les lieux qu’ils occupent… Ils ne sont pas immédiatement contigus l’un à l’autre, bien que les diverses sphères du second ciel soient, dit-on, contiguës entre elles, à titre de parties d’un même tout. D’autre part, il est nécessaire que l’espace intermédiaire entre les deux cieux ne soit pas vide, car rien de ce qui existe ne peut être vide d’aucune manière. Il y a donc un corps [qui remplit ce vide] ; ce corps, Moïse lui a donné le nom d’eau… parce qu’il est fluide, coulant et diaphane. Il semble donc que ce soit par analogie que Moïse a, d’une manière homonyme, appelé eau la substance qui remplit l’espace compris entre les deux cieux. »

Dans cette formule employée par Moïse : Que des luminaires soient engendrés dans le firmament du Ciel, Philopon voit[2] l’affirmation que les astres ne sont pas formés de la même substance que le firmament au sein duquel ils résident. Sinon Moïse eût employé une façon de parler analogue à celle dont il use pour la création des plantes : Que la terre produise l’herbe des prairies et l’arbre qui porte le fruit. « Les astres n’ont pas tiré leur origine de la masse du corps céleste, comme le manifeste, d’ailleurs, cela même qui apparaît aux sens. Le firmament, en effet, est doué de transparence ; aussi est-il congénère de l’air et de l’eau. Les astres sont bien plutôt formés par la substance ignée, comme le montrent toutes leurs propriétés, la couleur, la lumière, la cha-

  1. Joannis Philoponi Op. laud., lib. III, cap. XV ; éd. cit., p. 154.
  2. Joannis Philoponi Op. laud., lib. IV, cap. XV ; éd. cit., pp. 189-190.