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LA COSMOLOGIE DES PÈRES DE L’ÉGLISE

d’abord, pour quelle cause le nombre des sphères supposées par les Anciens et admises par les astronomes d’aujourd’hui est tel nombre, et pourquoi ces sphères n’ont été formées ni en plus grand nombre ni en nombre moindre. Admettons même, par impossible, que quelqu’un nous fasse connaître quel est, en tout, le nombre de ces sphères, quelles sont les différentes vitesses des mouvements qui s’observent dans les astres errants, la vitesse de la sphère inerrante qui parcourt son cercle entier en la durée d’un jour et d’une nuit, la vitesse de la Lune qui accomplit sa révolution en un mois ; en un an, le Soleil décrit sa circonférence particulière, tandis que Mercure et Vénus marchent avec la même vitesse que lui ; il faut à Mars deux ans à peu près pour revenir à son point de départ ; Jupiter, qui vient ensuite, a besoin de douze années ; il en faut trente à la planète qui vient après et que l’on nomme Saturne ; je ne parle pas de la rotation qui, selon Ptolémée, parcourt un seul degré en cent ans, de telle sorte qu’elle décrive la douzième partie du Zodiaque en trois mille ans. Et maintenant, qui sera capable de nous dire la cause de tout cela ? Aucun homme ne pourra jamais rendre raison du nombre des astres, des positions qu’ils occupent, des grandeurs de leurs vitesses, des différences de leurs couleurs. Seulement, nous croyons tous que Dieu a bien fait toutes choses, et comme il fallait ; que rien ne manque et qu’il n’y a rien de superflu. Il est peu de choses, en effet, dont nous connaissions pleinement les causes. S’ils ne sont pas capables de dire la cause physique des choses qui apparaissent aux sens, nous ne le sommes pas, nous non plus, de dire, comme ils nous le demandent, la cause de choses qui ne sont pas apparentes. »

Moïse veut que le firmament ait été formé au sein de l’eau. Par là, il professe, au sujet de la nature de ce ciel, une opinion bien plus satisfaisante que celles de Platon et d’Aristote.

« Au sujet de la substance du firmament[1], Platon la compose à l’aide des quatre éléments, tandis que le Soleil, la Lune et les autres astres sont surtout formés de feu. Aristote a supposé que le Ciel était constitué par la cinquième essence corporelle et il nous en a donné une démonstration tirée de son propre fonds. Mais Moïse, en disant qu’il a été engendre au milieu des eaux, nous suggère la pensée qu’à son gré, la substance du firmament est, en majeure partie, formée d’eau. En effet, le corps céleste est transparent. au plus haut point ; or les seuls éléments qui soient doués de transparence sont l’air et l’eau…

  1. Joannis Philoponi Op. laud., lib. III, cap. V ; éd. cit., pp. 117-119.