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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

met aux prises évêques et philosophes ; il demande aux Chrétiens d’accepter humblement l’enseignement littéral de la Genèse sans s’embarrasser de questions qui surpassent notre entendement : « Il nous faut, dit-il[1], recevoir avec grande modestie et d’un cœur reconnaissant les paroles qui nous sont dites, et ne point vouloir surpasser notre propre nature ni scruter ce qui est au-dessus de nous ; sachons seulement et retenons que le firmament a été produit par l’ordre de Dieu afin de séparer les eaux, de contenir les unes au-dessous de soi, de porter les autres sur son dos ».

Jean Chrysostome, d’ailleurs, ne tolère point que les physiciens et les astronomes, dans leurs enseignements, s’écartent le moins du monde de la lettre de la Genèse. Moïse ne parle que d’un seul ciel. « Comment donc, direz-vous, certains prétendent-ils que les raisonnements. Le bienheureux Moïse ne leur a rien enseigné de plus… Après avoir entendu cette grande doctrine, qui donc pourra tolérer ces gens qui parlent selon leur propre pensée et qui osent, contre la Sainte écriture, dire qu’il y a plusieurs cieux ? Mais, ajoutent-ils, voici que le bienheureux David, offrant ses louanges au Seigneur, dit : Laudate eum cæli cælorum. Ne vous troublez pas, mon cher, et ne croyez pas que la Sainte Écriture se contredise jamais ; apprenez plutôt le sens véritable de ces paroles, gardez-en soigneusement la doctrine, et bouchez vos oreilles aux propos de ceux qui enseignent le contraire ».

Théodoret est de ceux qui suivent ces conseils de Saint Jean Chrysostome.

Sur l’autorité de l’Écriture, il croit fermement[2] qu’il existe deux sortes d’eaux, les eaux d’ici-bas et les eaux supérieures ; celles-ci forment, au-dessus du firmament, un second ciel invisible. Comme Saint Ambroise, il pense que les eaux supérieures sont destinées, par leur fraîcheur et leur humidité, à empêcher le feu des luminaires célestes de consumer le firmament. Puis, écho de Saint Jean Chrysostome, il écrit :

« Celui qui ne croit pas à l’existence d’un second ciel marche hors de la voie droite ; celui qui en veut compter un plus grand

  1. S. Joannis Chrysostomi In Genesim homilia IV [Joannis Chrysostomi Opera quæ exstant omnia, t. I, pars I (Patrologiæ græcæ accurante J. P. Migne, t. LIV, col. 42].
  2. B Theodoreti episcopi Cyrensis In loca difficilia Scripturæ sacræ quæstiones selectæ ; in Genesim interrogatio XI [B. Theodoreti Opera, accurante J. P. Migne, t. I (Patrolagiæ græcæ LXXX), coll. 91-92].