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LA COSMOLOGIE DES PÈRES DE L’ÉGLISE

moment [d’une naissance], et si la plus petite différence dans cette détermination fait qu’on se trompe du tout au tout, sont également ridicules ceux qui s’adonnent à cet art sans fondement et ceux qui, bouche bée, vont à eux comme s’ils pouvaient connaître ce qui les intéresse ».

Ces critiques de Saint Basile, Saint Ambroise les avait reproduites dans son traité sur l’œuvre des six jours[1]. Cette même objection, contrôlée par une observation précise, avait détourné le père de Nébridius de sa confiance en l’astrologie[2]. Ne nous étonnons donc pas que Saint Augustin, disciple de Saint Ambroise, ami de Nébridius, les ait reprises.

Au principe qu’Aristote avait formulé et dont se réclamaient les astrologues qui, comme Posidonius, étaient, en même temps, philosophes, Plotin avait apporté une modification essentielle[3] ; les mouvements des astres n’étaient plus, pour lui, les causes efficientes des changements éprouvés par le monde sublunaire ; les circulations des corps célestes comme les transformations des corps périssables avaient pour cause efficiente commune le mouvement interne de l’Âme du Monde ; mais cette communauté de cause établissait une correspondance entre les unes et les autres, en sorte que les cours des astres permettaient de prévoir les événements sublunaires ; ceux-là étaient les signes de ceux-ci.

Saint Augustin avait beaucoup lu Plotin ; aussi connaissait-il fort bien la modification apportée par cet auteur au principe péripatéticien de l’Astrologie ; mais il avait reconnu sans peine que cette modification ne ruinait aucune des objections qu’il avait dressées devant la doctrine de Posidonius ; voici ce qu’il écrit à ce sujet[4] :

« Dira-t-on que les astres signifient les événements plutôt qu’ils ne les font ? Que leur disposition est une sorte de langage qui prédit l’avenir et ne le produit pas ? Ce fut l’opinion d’hommes fort savants. Ce n’est pas ainsi, cependant, que les mathématiciens ont accoutumé de s’exprimer ; ils ne disent pas, par exemple, que Mars, placé de telle manière, signifie l’homicide, mais bien qu’il produit l’homicide. Admettons, toutefois, qu’ils ne parlent pas comme il faudrait, qu’il leur faille recevoir des philosophes la règle selon laquelle se doivent énoncer les jugements qu’ils

  1. S. Ambrosii Hexaemeron, lib. IV, cap. IV, 14 [S. Ambrosii Opera, accurante J. P. Migne, t. I, pars I (Patrologiœ latinœ t. XIV) coll. 194-195].
  2. S. Aurelii Augustini Confessiones, lib. VII, cap. VI.
  3. Voir : Première partie, Ch. XIII, § VII ; t. II, pp. 309-312.
  4. S. Aurelii Augustini De Civitate Dei lib. V, cap. I.