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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

qu’au gré du Philosophe alexandrin, ces raisons ne résident aucunement dans la matière ; elles ont leur siège dans l’Âme de l’Univers et dans les âmes inférieures à celle-là ; elles sont les forces par lesquelles ces âmes sont capables de façonner la matière et de lui imprimer des formes.

Ajoutons, pour être complet, que les raisons génératrices des âmes sont secondées, dans l’accomplissement de leur œuvre, par les influences émanées des astres[1]. L’homme est engendré par la raison génératrice de l’homme, mais le Soleil collabore à cette formation d’un nouvel être humain.

La théorie des raisons causales (causales rationes), telle que Saint Augustin la propose, a plus de ressemblance avec ce que les Stoïciens disaient des λόγοι σπερματιϰοί qu’avec l’enseignement de Plotin touchant les λόγοι γεννητιϰοί.

C’est à propos de la création de l’âme de l’homme, au sixième jour de la genèse du Monde, que Saint Augustin développe l’hypothèse qu’il a conçue. Il lui répugne que l’âme ait été, à ce moment, créée de rien, car il ne veut admettre qu’un seul acte créateur, à l’origine des temps ; et, d’autre part, il regarde comme impossible que l’âme ait pu être tirée de la nature matérielle. Voici donc ce qu’il imagine :

« L’âme de l’homme a été créée[2] au moment où le premier jour l’a été, et cette âme créée est demeurée latente au sein des œuvres de Dieu, jusqu’au moment où il a plu à Dieu de l’insérer dans un corps formé du limon de la terre. »

Mais « de ce corps humain, la raison causale se trouvait déjà au sein des éléments du Monde ».

« En disant donc que Dieu a créé simultanément toutes choses[3], nous ne prétendons pas que Dieu ait créé toutes les substances et les natures qui devaient exister plus tard, mais il en a créé certaines raisons causales.

» En même temps qu’il existait une certaine raison occulte du corps humain, au moyen de laquelle ce corps devait être formé plus tard, il existait aussi une matière, la terre, avec laquelle il pût être formé ; on peut admettre que cette raison est demeurée cachée dans cette matière comme dans une semence. »

« Ainsi[4], par tous ces témoignages de la Sainte Écriture, dont

  1. Plotini Enneadis IIœ lib. III, cap. XII ; éd. cit., p. 66. — Vide supra, pp. 348-349.
  2. S. Aurelii Augustini De Genesi ad litteram lib. VII, cap. XXIV, 35 [S. Aurelii Augustini Opera, accurante J. P. Migne, t. III, pars I (Patrologiœ latincœ t. XXXIV), col. 368].
  3. S. Aurelii Augustini Op. laud., cap. XXII, 32 ; éd. cit., col. 367.
  4. S. Aurelii Augustini Op. laud., cap. XXVIII, 42 ; éd. cit., col. 371.