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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

nous paraît qu’une de ces substances naît aux dépens de l’air ou de l’eau, c’est simplement que les particules, homogènes à cette substance, qui étaient disséminées parmi des particules d’autre nature, viennent à se rassembler ; selon ce système, donc, comme le dit Aristote, « la génération est devenue un simple changement d’état. — Τὸ γίνεσθαι τοιόνδε ϰαθέστηϰεν ἀλοιοῦσθαι ».

À ces particules infimes qui, se réunissant aux particules semblables, donneront naissance à un corps naturel, Anaxagore attribuait le nom[1] de germes ou semences (σπέρματα).

Les Stoïciens proposaient, du problème de la génération des choses, une solution moins naïve que celle d’Anaxagore.

Le Dieu de Chrysippe est, à la fois, Plutarque nous l’a dit[2], Raison (Λόγος), Providence (Πρόνοια) et Destin (Εἱμαρμένη). Comme Raison, il conçoit les choses à venir, il a, de chacune d’elles, une notion ; comme Providence, il prévoit que telle chose naîtra en tel temps et dans telles circonstances ; comme Destin, enfin, il la fait naître nécessairement à l’instant marqué. La notion que Dieu a de chaque chose est donc comme une semence dont cette chose se trouvera nécessairement engendrée au temps voulu ; d’où le nom de raison séminale (λόγος σπερματιϰός) que lui donnent les disciples de Chrysippe.

Mais « Zénon et, aussi, Chrysippe, dans son premier livre Sur les dieux (Περὶ Θεῶν), déclaraient que la substance de Dieu, c’est le Ciel et le Monde entier[3] ». Au lieu de dire, donc, que les raisons séminales d’où les choses à venir seront tirées par le Destin résident en Dieu, on peut aussi bien dire qu’elles sont répandues dans le Monde entier.

C’est cette doctrine qu’Aëtius résume en ces termes[4] : « Les Stoïciens proclament un Dieu intelligent ; c’est un feu industrieux, qui marche vers la génération du Monde ; il embrasse en lui toutes les raisons séminales, en vertu desquelles chaque chose est engendrée conformément au Destin. — Ἐμπεριειληφὸς πάντας τοὺς σπερματιϰοὺς λόγους, ϰαθ’ οὒς ἕϰαστα ϰαθ’ εἱμαρμένην γίνεται ».

La notion de raison génératrice (λόγος γεννητιϰός) de chaque chose qui naît au sein de ce Monde se rencontre aussi dans la doctrine de Plotin ; mais elle y est assez différente de la notion de raison séminale (λόγος σπερματιϰός) conçue par les Stoïciens.

  1. Aristote, Traité du Ciel, livre III, ch. III (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. II, pp. 415-416 ; éd. Bekker, vol. I, p. 302, col. 6).
  2. Vide supra, p. 297.
  3. Diogenis Laërtii De vitis… philosophorum lib. VII, 148. — J. ab Arnim, Stoicorum veterum fragmenta 1022 ; vol. II, p. 305.
  4. Aëtii Placita, I, 7. — J. ab Arnim, Op. laud., 1027. vol. II. p. 306.