Page:Duhem - Le Système du Monde, tome II.djvu/418

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
412
L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


Tertullien énumère les sectes divergentes de la Sagesse antique[1], il cite Platoniciens et Stoïciens, Épicuriens et Pythagoriciens, mais le nom des Aristotéliciens ne se rencontre pas sons sa plume.

Saint Augustin, d’ailleurs, parle du Péripatétisme comme d’une philosophie entièrement démodée de son temps : « Ce n’est pas sans raison, dit-il[2], que j’ai choisi les Platoniciens pour discuter avec eux… Je les ai particulièrement choisis parce qu’ils ont jugé, mieux que tous les autres, du Dieu unique qui a créé le ciel et la terre ; et c’est pourquoi on les tient pour plus illustres et plus glorieux que tous les autres. Voici qui montre de quelle préférence la postérité les a jugés dignes : Aristote, disciple de Platon, était homme d’un esprit éminent ; son éloquence, inférieure à celle de Platon, surpasse aisément celle de beaucoup d’autres ; il a fondé l’école qu’on a nommée Péripatétisme parce qu’il avait accoutumé de discuter en se promenant ; du vivant même de son maître, il avait, par l’excellence de sa renommée, réuni un grand nombre de disciples dans une secte séparée du Platonisme. Après la mort de Platon, Speusippe, son neveu, et Xénocrate, son disciple chéri, lui succédèrent dans son école même, qui portait le nom d’Académie ; d’où ils reçurent, eux et leurs successeurs, le nom d’Académiciens. Cependant, les plus célèbres des philosophes modernes ont voulu appartenir à l’École de Platon ; ils n’ont pas voulu qu’on les appelât Péripatéticiens ni Académiciens, mais Platoniciens. C’est parmi eux que se rangent ces Grecs fort illustres : Plotin, Jamblique, Porphyre ; c’est aussi un platonicien de grande notoriété que l’Africain Apulée, également versé dans la langue grecque et dans la langue latine. »

Démodée auprès des Grecs, ignorée des Latins, la philosophie péripatéticienne ne pouvait, aux yeux de Saint Augustin, disputer la prééminence au Platonisme. D’autres raisons, d’ailleurs, recommandaient cette dernière doctrine à son jugement.

Tout d’abord, l’esprit de Saint Augustin répugne à la méthode, préconisée par Aristote, qui met dans la perception sensible, et non dans l’intuition, l’origine de nos idées.

« Quant à cette doctrine qu’on nomme logique, c’est-à-dire rationnelle, dit-il[3], gardons-nous bien de mettre sur le même rang que les Platoniciens ces philosophes qui ont mis le critérium de la vérité (judicium veritatis) dans le témoignage des sens corpo-

  1. Vide supra, p. 398.
  2. S. Aurelii Augustini De Civitate Dei lib. VIII, cap. XII.
  3. S. Aurelii Augustini Op. laud., lib. VIII, cap. VII.