Page:Duhem - Le Système du Monde, tome II.djvu/414

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
408
L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


mier à partir duquel va se développer, lentement et graduellement, la Cosmologie du Moyen Âge chrétien.

Mais aussi, et surtout, au nom de la doctrine chrétienne, les Pères de l’Église frappent les philosophies païennes en des points que nous jugeons, aujourd’hui, plus métaphysiques que physiques, mais où se trouvent les pierres d’angle de la Physique antique ; telle la théorie de la matière première éternelle ; telle la croyance à la domination des astres sur les choses sublunaires, à la vie périodique du Monde rythmée par la Grande Année. En ruinant, par ces attaques, les Cosmologies du Péripatétisme, du Stoïcisme et du Néo-platonisme, les Pères de l’Église font place nette à la Science moderne.


II
LE PLATONISME DES PÈRES DE L’ÉGLISE ET, PARTICULIÈREMENT,
DE SAINT AUGUSTIN

Saint Basile ou Saint Ambroise ne philosophaient guère ; Saint Jean Chrysostome philosophait moins encore ; demander, donc, à quelle école philosophique ils appartenaient serait poser question oiseuse.

À proprement parler, cette question ne se peut poser d’aucun Père de l’Église grecque ou de l’Église latine ; un Père appartient à l’Église et n’appartient qu’à elle ; il n’est enrôlé dans aucune école philosophique ; s’il lui arrive d’accepter momentanément l’aide qu’en une question particulière, lui apporte une doctrine profane, c’est à la condition de rompre avec cette doctrine dès qu’elle aura cessé d’être, pour lui, une auxiliaire. Ce n’est jamais aux enseignements, divers et contestés, de la Philosophie qu’il appuie sa confiance.

Pour consoler sa sœur Macrine de la mort de leur illustre frère Basile, Grégoire de Nysse compose un dialogue où Macrine et lui dissertent de la spiritualité et de l’immortalité de l’âme. Il remarque, en ce dialogue[1], que l’incertitude sur l’état « le l’âme après la mort « engendre, de part et d’autre des opinions équivalentes. À beaucoup, c’est ceci qui semble la vérité ; à beaucoup d’autres, c’est le contraire. Il est, parmi les Grecs, des gens que leur philoso-

  1. S Gregorii Nysseni De anima et resurrectione dialogus [S Gregorii Nysseni Opera, accurante J. P. Migne, t. III (Patrofagice f/rœcœ, t. XLVI) Coll. 17-18].