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LA COSMOLOGIE DES PÈRES DE L’ÉGLISE


Christianisme déclare une guerre acharnée à ceux qui, par l’examen des astres, prétendent annoncer l’avenir.

Au quatrième jour de la création, Dieu met les astres dans le ciel « afin qu’ils servent de signes ». Philon d’Alexandrie n’avait pas manqué d’interpréter ces paroles de la Genèse dans un sens favorable à l’Astrologie[1]. Aucun père de l’Église, au contraire, en commentant ce verset, ne manquera de mettre les fidèles en garde contre une semblable interprétation.

« Ceux qui transgressent les bornes de la vérité, écrit Saint Basile[2], tirent de cette phrase : « Qu’ils servent de signes », la défense de l’art généthliaque. Ils disent que notre vie dépend du mouvement des corps célestes : ils disent que les événements qui nous adviennent sont produits par les astres, conformément aux indications des Chaldéens ; ces mots : « qu’ils servent de signes », ils ne les entendent ni de la distinction des périodes du temps ni du changement d’état de l’atmosphère, mais du sort de notre vie, selon l’opinion des Chaldéens. »

Contre la prétention des astrologues de prédire la fortune qui attend un nouveau-né d’après la disposition des astres à l’heure où il vient au monde, Saint Basile entame une discussion dont, tout à l’heure, nous dirons un mot. Puis il poursuit en ces termes[3]  :

« Mais de cela, ces gens ne se contentent point. Ce dont la volonté de chacun de nous est maîtresse, j’entends la pratique du vice ou de la vertu, ils en veulent également attribuer les causes aux astres. Se donner la peine de les contredire est ridicule ; mais toutefois, comme beaucoup demeurent sans souci [des dangers d’une telle opinion], il est nécessaire de ne la point passer sous silence. »

Saint Basile, alors, énumère les conséquences d’un tel fatalisme :

« Si les principes des actes conformes à la malice ou à la vertu ne font pas partie de ce qui est en notre pouvoir, s’ils sont nécessité qui dérivent de notre naissance, à quoi bon les législateurs qui nous marquent ce que nous devons faire ou ce que nous devons éviter ? À quoi bon les juges qui font honneur à la vertu et honte au vice ?…

» Quant aux grandes espérances des Chrétiens, elles s’en vont

  1. Vide supra, p. 316.
  2. S. Basilii Homilia VI in Hexaemeron, 5 [S. Basilii Opera omnia accurante J. P. Migne, t. I (Patrologiœ grrœcœ, t. XXIX, coll. 127-128].
  3. S. Basili Op. laud., 7 ; ed. cit., t. cit., coll. 131-134.